• Le miroir aux marmottes

     

    Le miroir aux marmottes

     

    Il est des titres, comme ça, aussi racoleurs qu'incompréhensibles.

    Je peux tenter de me trouver une vague excuse comme l'ivresse des sommets liée à une hypoxie cérébrale. Je peux aussi, en toute simplicité, incriminer mon cerveau en ébullition qui ne trouve jamais le repos (le fourbe) et m'a suggéré l'ébauche de cet article à 2h00 ce matin. Pas de répit pour mes insomnies, même au cœur des vacances.

    Alors c'est quoi, ce miroir aux marmottes?!

    C'est le miroir aux alouettes, version station de ski au mois d'Août.

     

     

       

    Je souhaite donc aborder l'envers du décor, telle Alice au pays des merveilles ah non, Martine à la montagne non plus, aarrgg, les contes pour enfants c'est du pipeau. Bon si vous trouvez une analogie qui tient la route, laissez moi un commentaire ce sera charitable et je rectifierai ce post.

    En surfant sur les réseaux sociaux m'est venue une question toute simple: pourquoi nous acharnons nous à vouloir faire croire à autrui - tout autant qu'à nous mêmes - que les vacances sont forcément merveilleuses? Géniales, super, au top, remplies de sourires béats, de peaux bronzées, d'exotisme et de crème chantilly dégoulinant sur nos sorbets maison, et rien d'autre?!

     

    Le miroir aux marmottes

     

    Les vacances seraient-elles une distorsion temporo-spatiale annuelle, un vortex légalisé dans notre quotidien?

    "Nom d'un boson", m'a rétorqué Arthis qui ingère des théories cosmiques à la louche, je plains son futur prof de sciences physiques, ce dernier a intérêt de connaître son programme d'astronomie sur le bout des doigts mais je m'égare.

    Je songeais à cette façon lourdingue qu'on a tous, après une attente fébrile de plusieurs mois, de vouloir embellir ces jours forcément bénis de farniente, de les magnifier artificiellement d'un claquement de doigts et d'un clic de souris pour n'en garder en mémoire que l'absolue quintessence, le nectar, le miel. Des vacances un peu pourries aussi, ça n'existe pas, on n'a pas le droit.

    Un peu de lucidité que diable.

    Détaillons le boson le bousin.

    Vous aurez compris qu'il s'agit là de cas concrets, mon imagination étant temporairement en stand-by, dépassée par la réalité.

    1: A peine arrivée dans ta location, tu ouvres la terrasse surplombant le lac, tu t'installes pour savourer la vue imprenable et projette de manger dans la douceur du soir, quand le fumet inimitable des sardines grillées t'assaille et te repousse dans les retranchements du chalet. Adieu veau, vache, cochon apéro peinard, tu sens monter en toi des velléités de délation aussitôt réprimées car tu soignes ton karma, mais tu insultes copieusement tes voisins intérieurement - ça non plus c'est pas formidable pour ta prochaine vie, mais tu n'as jamais lu les petites lignes du contrat et suppose que ça ne portera pas trop préjudice à ta future félicité -. Si t'avais su, t'aurais apporté ta plancha, c'est aussi interdit que les barbecues mais t'aurais bien rivalisé avec ces cons...

    Visiblement, tu es stressée, ces vacances ne sont pas du luxe.

    2: Tu te réveilles le dos en vrac, ça fait des lustres que tu n'as pas eu mal comme ça, obligée de te rouler en boule sur le côté, puis de pousser sur ton coude droit, puis de te relever pour enfin te déplier et poser le pied au sol.(Appréciez les conseils gratuits en ergothérapie). B*** de m***. T'as l'impression d'avoir 80 ans, tu sens que ton matelas à mémoire de forme va te manquer cruellement dans la quinzaine à venir, et comme c'est la reprise du sport après une année d'abstinence, tu sens que ce n'est qu'un début. Ca va piquer à tous les étages.

    Confirmation après un premier footing en compagnie de ton fils bien-aimé - qui a vaguement marché à tes côtés mais c'est pas juste il a 1.20m de jambes -: tu as bien 90 ans et tu le sens, plus de souffle, plus de jambes. Tu t'inquiètes vaguement pour les dénivelés en perspective mais comme tu crèves de fierté, tu refuses le soulagement pharmacologique (une aspirine quoi) et tu bois abondamment, tu t'étires avec application en croisant les doigts. Ils craquent, t'as 100 ans en fait.

    3: Lors de la première excursion dans les verts pâturages, tu te heurtes à une météo hostile sous la forme d'un brouillard à couper au couteau. Qu'importe, rien n'entamera ton enthousiasme et le plaisir de retrouver les sentiers pédestres, vous grimpez allègrement jusqu'en haut d'un cirque bordé d'une cascade. Où vous tombez à tâtons sur un petit garçon de 5 ans, en pleurs, qui cherche ses parents au milieu de nulle part. Tu hallucines, on n'y voit pas à 10 pas devant soi, et impossible de savoir où sont les Thénardier. Ton mari prend la situation et le môme en main, trace la route entre les bouses fraiches et les chardons au feeling, finissant par retrouver les parents au gré d'un coup de vent (et de chance) environ 100m plus loin. Vos regards se croisent, tu hésites entre l'énucléation à mains nues, le sermon moralisateur ou bien fermer ta gueule. Tu optes pour la dernière solution, sans être certaine que c'est la bonne mais tu es submergée par une nausée qui englobe ces irresponsables et tous leurs congénères. Ton karma est décidément bien malmené depuis quelques jours, un monastère tibétain serait le bienvenu mais tu es dans les Pyrénées, pas au Népal alors respire. Trois minutes plus tard, tu croises un jeune père avec 2 gars trop jeunes pour cette rando, mal chaussés et trempés jusqu'au genoux puisqu'ils viennent de glisser sous tes yeux dans la cascade, l'œil hagard, visiblement gelés et terrifiés. Tu refermes ta gueule, c'est toi qui a un problème de surprotection, ou tous les tarés se sont donnés rendez-vous ce matin? Heureusement, Noé te demande alors avec un air de dégout si toutes les vaches ont la gastro dans cette région. Tu lui expliques que si tu bouffais des kilos d'herbe tous les jours, ton transit s'en ressentirait fortement et que l'aspect des bouses fraiches est normal. Tu penses qu'il ne croit pas une seconde tes explications scientifiques, mais tu retrouves (enfin) le sourire. 

    4: Pour te détendre, tu te dis que tu vas buller un peu sur internet (faute d'avoir un masseur californien sous la main pour dénouer tes muscles, t'es pire qu'une ligne électrique haute tension). Et là, ta!ta!

    "Aucun réseau disponible".

    Damned. T'as pris le supplément "wifi à domicile" pour être vraiment relax, c'est mal engagé.

    Tu patientes jusqu'au lendemain, toujours pas de connexion, tu files à la réception pour signaler le problème. On te regarde de travers, tu es la seule à te manifester à ce sujet, on te pose des questions débiles pour voir si le problème ne viendrait pas plutôt de toi (je vous épargne le quizz digne d'un bêtisier de chez Free) et il faut un bon moment pour que le responsable daigne poser sa perceuse pour se consacrer à ton problème (tu es une geek, c'est donc un VRAI problème URGENT en dépit de ce qu'il semble penser). Après un tour rapide dans les couloirs, il trouve la raison: la prise du câble Ethernet a été débranchée volontairement par les occupants précédents, soit par ce qu'ils étaient neu-neu et cherchaient à brancher l'aspirateur à la place, soit par pure malveillance, le doute plane. Une chance sur 62 que ça tombe sur ton logement: quand je vous dis que les vacances n'échappent pas aux règles qui régissent le monde normal! T'es un chat noir, pas de répit pour le destin.

    Evidemment, comme tout le monde, je passe de bonnes vacances. Mais si!

    Et quand je confectionnerai mon album souvenir annuel sur Photobox, je glisserai entre deux photos radieuses des garçons en deltaplane une bouse en gros plan, entre le pédalo et le kayak des sardines grillées, et une patte de lapin accrochée à mes chaussures de rando!

     

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  • Commentaires

    5
    Sophie
    Dimanche 17 Août 2014 à 17:22
    Magnifiquement écrit mais tu es vilaine car tu me rappelle mes superbes vacances à Bonifaccio au son des tracto pelles qui creusaient à 4 metres de notre terrasse...heureusement on ne se souvient que des bons moments..pas vrai ?
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    4
    Dimanche 17 Août 2014 à 11:47

    Ahah! Je te reconnais bien he

    Le mythe des vacances ne m'atteint pas, j'y bosse comme une forcenée et revenir à l'emploi salarié est un repos bien mérité. Et oui! sarcastic

    3
    vieux_têtard
    Dimanche 17 Août 2014 à 09:34

    Pour rester dans l'ambiance :

    Quel goût ça a, ce truc-là ?

    2
    babou
    Dimanche 17 Août 2014 à 09:13

    "Nom d'un bouson!" comme m'a dit Marceau, quel papier!

    Superbement écrit et plein de vie, même si tout n'est pas rose et ne la sent pas non plus.

    Bonne suite quand même et bises.

    1
    vieux_têtard
    Dimanche 17 Août 2014 à 09:08

    Merci pour ce billet, c'est une vraie pépite extraite de la bouse qui t'environne.

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